Cap sur une transformation durable des industries canadiennes : mines, métaux et ports

Cap sur une transformation durable des industries canadiennes

Lors de l’Accord de Paris de 2015, les gouvernements du monde se sont engagés à freiner le réchauffement climatique sous le seuil des 2°C par rapport aux niveaux préindustriels et à poursuivre les efforts pour le limiter à 1,5°C. De plus, en 2018, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a averti que le réchauffement de la planète ne devait pas dépasser 1,5°C pour éviter les effets catastrophiques des changements climatiques. Pour y parvenir, les émissions de gaz à effet de serre doivent être réduites de moitié d’ici à 2030 et ramenées à zéro d’ici à 2050 (objectif zéro émissions nettes).

Dans un monde où les défis climatiques s’intensifient, nous disposons d’un temps limité pour agir et le secteur privé a un rôle crucial à jouer : tous les secteurs et tous les marchés doivent se transformer. Les industries canadiennes, telles que les industries minière, métallurgique et portuaire, jouent notamment un rôle central dans la transition vers une économie plus durable. Au-delà de leur importance économique et stratégique, ces secteurs ont un impact non négligeable sur l’environnement et la société qu’il est important de considérer dans un contexte de décarbonation.

Cette synthèse examine de près comment ces industries peuvent s’engager dans la lutte aux changements climatiques tout en évitant les impacts adverses sur l’environnement, la biodiversité et la société. Elle met en lumière les concepts clés d’atténuation, d’adaptation et de résilience face aux changements climatiques, dans lesquels l’analyse du cycle de vie (ACV), la biodiversité, les solutions fondées sur la nature, l’économie circulaire, l’éco-conception ainsi que la neutralité carbone d’ici 2050, jouent un rôle essentiel.

Virage vers la durabilité

Au niveau mondial, les entreprises des secteurs miniers, métallurgiques et portuaires s’engagent résolument dans des initiatives de développement durable et de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre (GES). Parmi celles-ci, il y a des initiatives corporatives ou des initiatives encadrées par des organismes externes, telles que : « Vers le développement minier durable »1 (VDMDou TSM en anglais) développée par l’Association minière du Canada; l’Alliance verte2 développée par la Corporation de gestion Alliance verte pour l’industrie maritime Nord-Américaine; et, Science Based Targets initiative3 (SBTi) développée par le partenariat CDP4, UN Global Compacts5, WRI6 et WWF7.

Dans le secteur minier, l’initiative VDMD est un programme canadien de développement durable reconnu et appliqué mondialement. Ce dernier propose un cadre d’amélioration continue des performances environnementales et sociales à l’échelle du site minier. En 2023, Rio Tinto a gagné le prix d’excellence d’engagement communautaire pour la mine de Diavik dans les Territoires du Nord-Ouest. L’entreprise a été reconnue pour avoir incarné les meilleures pratiques de l’économie circulaire grâce au partenariat et à l’engagement des communautés locales, deux principes centraux des protocoles de VDMD sur les relations avec les autochtones et les collectivités et sur les changements climatiques. L’entreprise, soutenue par des employés passionnés, a mis en place un programme d’économie circulaire afin de recycler les fils de cuivre provenant de niveaux d’exploitation en cours d’achèvement. Le cuivre recyclé a ensuite été vendu aux communautés locales et le produit de la vente est utilisé par la mine pour son programme de contribution communautaire local. Ce projet d’économie circulaire a eu des bénéfices environnementaux et sociaux car il a permis d’éviter qu’environ 102 tonnes de câbles en cuivre (minéral critique) ne finissent à l’enfouissement et a permis de lever des fonds pour des organismes locaux de charité.

Sachant que la demande en minéraux critiques et stratégiques (MCS) monte en flèche, en grande partie parce qu’ils sont essentiels à la fabrication des technologies nécessaires à la transition énergétique, il devient impératif de veiller à ce que l’offre en MCS soit suffisante pour la soutenir à l’échelle mondiale. Outre l’exploitation de nouveaux gisements de MCS, il est nécessaire d’implanter une culture de circularité pour ces industries dont la matière première historique est avant tout une ressource finie, non renouvelable et qui deviendra de moins en moins accessible à des coûts environnementaux, sociaux et économiques soutenables [1] [2].

La transition vers une économie plus durable commence donc par la modification des pratiques actuelles linéaires (extraction, transformation, utilisation, enfouissement) et des technologies existantes afin de créer des opportunités économiques à partir des matériaux secondaires et produits en fin de vie. C’est l’essence même de l’économie circulaire qui soutient des pratiques commerciales qui extraient le plus de valeur possible des ressources en recyclant, réparant, réutilisant, réaffectant ou remettant à neuf les produits et les matériaux, éliminant ainsi les déchets, la consommation de ressources vierges et idéalement tout en diminuant les impacts environnementaux incluant les émissions de GES.

Pour l’industrie portuaire, l’Alliance verte est une certification environnementale volontaire qui vise l’amélioration continue des impacts environnementaux des différents intervenants participants. La progression est évaluée annuellement à l’aide d’indicateurs de performance particuliers aux catégories de participants (armateurs, ports et voie maritime, terminaux et chantiers maritimes)8. La grande majorité des acteurs du secteur canadiens y participent9. Parmi ces indicateurs de performance, on retrouve : gestion des espèces aquatiques envahissantes, émissions atmosphériques polluantes, émissions de GES, gestion des matières résiduelles, gestion du bruit sous-marin, recyclage des navires, relations avec les communautés, gestion des eaux pluviales, etc.

Visant l’ensemble des secteurs économiques, SBTi (Science Based Target initiative) encadre l’engagement des entreprises dans l’atteinte des cibles de réduction d’émissions de GES (portées 1, 2 et 3). En particulier, les émissions de GES de la portée 3 couvrent les émissions de GES dues à l’extraction et la transformation des matières premières, le transport des matières premières à l’usine, la fabrication, la distribution, l’utilisation et la fin de vie.

Plusieurs études montrent que les émissions de GES de la portée 1 représente 37 % des cinq secteurs définis par le GIEC (fournisseurs d’énergie, transport, industries, bâtiments et agriculture et foresterie), alors que la portée 2 représente entre 11 % et 25 % et la portée 3 représenterait au moins 52 % des émissions de l’économie mondiale [3] [2] [4]. À ce titre, la décarbonation de la chaîne de valeur représente l’une des opportunités les plus importantes pour les entreprises de jouer leur rôle dans l’atteinte de l’objectif zéro émissions nettes (net zero) au niveau mondial avant 2050. En ce sens, la Californie a fait passer le Climate Corporate Data Accountability Act ou SB 253 pour obliger les compagnies d’une certaine taille à déclarer publiquement leurs émissions annuelles de GES. Ceci s’appliquera à partir de 2026 pour les émissions GES de portées 1 et 2, et 2027 pour les émissions indirectes de portée 3 [5].

Cependant, bien que le plus grand défi actuellement médiatisé soit la diminution de nos émissions de GES, il est important de considérer les effets adverses (ou déplacement du fardeau environnemental et socio-économique) dans l’atteinte de l’objectif zéro émissions nettes (net zero) afin de promouvoir des stratégies véritablement durables. La littérature scientifique pointe le déplacement d’impacts, entre autres, aux catégories comme la diminution des ressources minérales, utilisation des terres, changement d’affectation des terres, santé humaine, rareté de l’eau [2]. L’atteinte des cibles ne peut se faire au détriment de la biodiversité et du bien-être social, aussi bien au niveau local que global.

En somme, la reconnaissance et la différenciation des diverses sources d’impacts environnementaux émanant des industries minière, métallurgique et portuaire sont impératives. Ces impacts, qu’ils soient directs, découlant des activités sur site, ou indirects, s’étendant le long de la chaîne de valeur, nécessitent une approche ciblée pour instaurer des mesures de réduction pérennes. Cette distinction fine permet non seulement de formuler des stratégies efficaces mais aussi de réaliser des progrès significatifs vers des objectifs environnementaux tangibles, tels que la réduction de l’empreinte carbone et l’aspiration à la carboneutralité. En adoptant une perspective holistique, il devient possible d’engager des partenariats innovants et de promouvoir des pratiques durables afin de préserver notre environnement pour les générations futures.


Références

1 https://mining.ca/fr/vers-le-developpement-minier-durable/

2 https://allianceverte.org/

3 https://sciencebasedtargets.org/

4 https://www.cdp.net/en

5 https://unglobalcompact.org/

6 https://www.wri.org/

7 https://wwf.ca/fr/

8 https://allianceverte.org/certification/indicateurs-de-performance/

9 https://allianceverte.org/membres/participants/


Bibliographie

[1] A. Stéphant, “Transition énergétique : une nécessaire intégration des impacts environnementaux de l’industrie minière,” Revue internationale et stratégique, vol. 128, no. 4, pp. 95-103, 2022.

[2] A. de Bortoli, A. Bjørn, F. Saunier and M. Margni, “Planning sustainable carbon neutrality pathways: accounting challenges experiences by organizations and solutions from industrial ecology,” The International Journal of Life Cycle Assessment, vol. 28, pp. 746-770, 2023.

[3] E. Hertwich and R. Wood, “The growing importance of scope 3 greenhouse gas emissions from industry,” Environmental Research Letters, vol. 13, p. 104013, 2018.

[4] CDP, “Transparency to transformation: a chain reaction. CDP Global Supply Chain Report 2020,” CDP North America, New York, NY, 2021.

[5] GHG Protocol, “News,” 10 Octobre 2023. [Online]. Available: https://ghgprotocol.org/blog/statement-californias-climate-corporate-data-accountability-act-requires-companies-disclose.

[6] World Business Council for Sustainable Development, “The role of Nature-based Solutions in strategies for Net Zero, Nature Positive and addressing Inequality. Insights from the evolution of Natural Climate Solutions as part of corporate action on Climate,” wbcsd.

[7] Union Internationale pour la Conservation de la Nature, “Les solutions fondées sur la nature,” [Online]. Available: https://uicn.fr/solutions-fondees-sur-la-nature/. [Accessed 31 10 2023].

[8] United Nations Environment Program and Internation Union for Conservation of Nature, “Nature-based solutions for climate change mitigation,” UNEP, Nairobi and Gland, 2021.

[9] UNEP/SETAC Life Cycle Initiative, “Towards a Life Cycle Sustainability Assessment, Making informed choices on products.,” UNEP DTIE, Paris, France, 2011.

[10] ISO, ISO 14040:2006. Management environnemental. Analyse du cycle de vie. Principes et cadre, 2 ed., 2006.

[11] ISO, ISO 14044:2006. Management environnemental. Analyse du cycle de vie. Exigences et lignes directrices, 1 ed., 2006.


AUTEURE
Aline Cobut
Chef d’équipe – Expertise changement climatique
Acceptabilité sociale et Environnement

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