L’effondrement de la route 112
Une reconstruction sans pareille au Québec
En août 2009, un important glissement de terrain survenu à la mine Lac d’amiante a causé la fermeture complète d’un tronçon de la route 112, située entre Saint-Joseph-de-Coleraine et Black-Lake à Thetford Mines. Des milliers de tonnes de roc sur lesquels reposait la route se sont retrouvés au fond de la mine à ciel ouvert, rendant toute circulation impossible.
Cette infrastructure routière étant considérée comme névralgique pour la région, sa relocalisation devenait une priorité pour le ministère des Transports du Québec.
Pour ce mandat d’envergure, le consortium Norda Stelo/SNC-Lavalin a effectué la conception et la surveillance des travaux de ce chantier routier ceinturé d’énormes haldes de stériles miniers, où la majorité des matériaux excavés étaient contaminés à l’amiante. Ce projet a aussi conduit à l’aménagement d’une route de contournement temporaire, respectant les normes d’une route nationale, le tout sur une distance de 10,3 km.
Considérant la contamination des matériaux et la proximité de la mine, la protection du public et des travailleurs contre les dangers de l’amiante était une priorité pour nos ingénieurs.
Ainsi, une collaboration continue avec la CNESST a permis de développer une nouvelle approche pour des travaux de déblai de masse, exécutés à l’air libre et en présence d’amiante. Plusieurs mesures de prévention furent développées et appliquées au chantier afin de réduire tout risque de contamination par l’amiante :
- Des mesures régulières de qualité d’air au chantier et aux municipalités environnantes;
- L’adaptation des travaux selon la direction du vent;
- L’humidification des matériaux avant l’excavation;
- Des cabines d’opérateur de machinerie toujours maintenues à pression positive;
- Des appareils de respiration autonome avec filtres;
- Une douche obligatoire à la sortie du chantier;
- La lavage obligatoire de toutes machineries sortant du chantier.
Cette méthodologie éprouvée sert aujourd’hui de référence en la matière pour d’éventuels travaux routiers impliquant de l’amiante ou tout autre matériau contaminé pouvant se retrouver dans l’air.
Par ailleurs, diverses mesures ont été entreprises et planifiées par notre équipe afin d’atténuer les impacts du projet sur l’environnement. Nous avons retiré de nombreux matériaux contaminés de l’environnement, tel que le revêtement de l’ancienne route qui contenait de l’amiante.
La disposition des matériaux de déblai contaminés a aussi fait l’objet d’une réflexion approfondie pour éviter le risque de dispersion dans l’environnement et la contamination de la population, de la faune et de la flore. Afin de protéger le public et les générations futures, nous avons décidé d’enfouir ces matériaux dans le puits de l’ancienne mine.
Plusieurs talus sécuritairement aménagés, et mesurant plus de 100 mètres de longueur et 50 mètres de hauteur, furent nécessaires pour concevoir la route 112. En raison de la proximité des haldes à composition hétérogène (roc, gravier, silt, argile, limon), nous avons déployé des mesures exceptionnelles pour assurer la sécurité des usagers de la route. Des merlons et paliers furent construits pour réduire les risques de chutes de pierres. Des descentes de drainage furent façonnées pour permettre à l’eau de s’écouler en limitant l’érosion des talus, une tâche complexe étant donné la composition variée du sol et le dénivelé. Mentionnons aussi que le libre passage de la faune ichtyenne a été soigneusement pris en compte grâce à l’aménagement de ponceaux avec déversoirs permettant la traverse de poissons. L’aménagement paysager des talus qui bordent la nouvelle route a aussi fait l’objet d’efforts distinctifs par la plantation d’arbres et d’arbustes, alors que nous avons retiré de l’environnement des espèces végétales exotiques envahissantes et très présentes sur le site.
Considérant le sol très pauvre en nutriments, nous avons employé une méthode expérimentale pour favoriser la pousse de la végétation. Notre consortium, en collaboration avec le MTQ et le Laboratoire mandaté, a fait le choix de récupérer des matières résiduelles issues des boues d’eaux usées pour fertiliser les surfaces des talus. Cette technique innovante n’avait été testée que sur de petites superficies avec faible pente. Pour ce projet, elle fut déployée à grande échelle sur de longues et fortes pentes, contribuant à améliorer l’aspect visuel du secteur.
Finalement, afin de ne pas perturber la vie des gens de la région au-delà de ce qui était absolument nécessaire, nous avons soigneusement planifié le chantier pour permettre un accès en tout temps aux résidents et commerces locaux pendant la durée des travaux.
La compétence et le sens de l’éthique ont guidé la conception de cet imposant ouvrage routier, afin d’éliminer au maximum la possibilité de futurs glissements de terrain et de rendre la route sécuritaire et durable. Le choix de construire une « tri-couche » d’une épaisseur jamais essayée auparavant pour une structure de chaussée, avec des matériaux durables, non contaminés, et à partir de la profondeur de gel, démontre l’importance accordée à la réalisation d’une route pérenne et stable au bénéfice de la population, tout en favorisant une saine utilisation des fonds publics.
Le nouveau tracé de la route 112 fut ouvert à la circulation en octobre 2015. Durant près d’une décennie, population et commerces furent contraints de vivre avec un long détour, ainsi qu’avec la fermeture du principal lien routier entre Thetford Mines et Sherbrooke, avec tous les impacts économiques, environnementaux et sociaux engendrés par cette situation exceptionnelle. Malgré d’immenses défis, les citoyens bénéficient aujourd’hui d’une nouvelle route sécuritaire et durable. L’ensemble du projet fut complété en septembre 2018, au coût total de 90M$, soit 10M$ en deçà du budget initialement fixé.