La gestion d’un parc d’actifs a longtemps reposé sur les investissements (CAPEX) et les coûts d’exploitation (OPEX) pour assurer la capacité de production satisfaisante d’un équipement. Bien que cet exercice comptable demeure un élément indispensable de l’équation, le cycle de vie d’un actif physique n’est plus simplement une question économique. Un actif physique est fabriqué, livré, exploité et consommé, puis devient un rejet s’il est remplacé. Au-delà des coûts liés à chacune de ces étapes, il est de plus en plus évident que l’actif crée également un impact sur le milieu social et environnemental. De plus en plus, on parle de responsabilité sociétale des entreprises, c’est-à-dire leur volonté à mener leurs affaires en tenant compte de l’impact de leurs décisions sur l’environnement et les communautés qui les entourent. Les critères ESG viennent mesurer l’efficacité des initiatives RSE mises de l’avant par les entreprises sur l’environnement, la société et la gouvernance. Avec la réalité palpable des changements climatiques et une meilleure compréhension des causes, les grands décideurs accordent une plus grande importance à la question de l’impact environnemental. D’ailleurs, les principaux fonds d’investissement se sont dotés, parmi leurs paramètres d’évaluation, de critères environnementaux et ils investissent massivement dans des initiatives qui sont respectueuses des communautés et qui se rapprochent d’une réduction significative des émissions et de l’empreinte carbone (carboneutralité). La gestion des actifs physiques n’échappe pas à cette réalité et il est maintenant possible de confirmer l’impact d’une saine gestion, voire le prolongement de la vie des actifs sur l’empreinte carbone.

Pour arriver à un niveau de gestion visant à prolonger la vie d’un actif, soit un bâtiment, un pont, des actifs rotatifs ou du matériel roulant, une analyse basée sur les données d’exploitation, d’entretien ainsi que sur les observations et l’historique des défaillances et des signes de vieillissement doit être effectuée par des experts en intégrité et fiabilité des actifs. Ce modèle de gestion, basé sur la durabilité des actifs, recherche non seulement le prolongement de la vie de l’actif, mais également son exploitation sécuritaire, efficace et durable.

Les analyses d’actifs doivent se décliner en 4 sous-catégories :

  • Audits et inspections : Évaluation de la sévérité des défauts présents et diagnostic de l’état global de santé des actifs des sites industriels, des infrastructures ou des bâtiments.
  • Études de dégradation et de vieillissement : Prédiction de l’état de santé d’un actif comprenant des interventions prédéfinies dans le temps.
  • Évaluations FFS (Fitness for Service) : Diagnostic permettant de déterminer l’aptitude d’un actif à retourner en service de façon fiable et sécuritaire pour les opérateurs et l’environnement.
  • Activités d’intégrité et de fiabilité : Réparations ciblées, solutions innovantes pour prolonger la vie d’un actif dans des conditions définies, calculs de l’intégrité et de la fiabilité d’un actif.

Et en quoi le fait de prolonger la vie d’un actif a-t-il un impact environnemental ? Ultimement, en plus de prolonger la période d’amortissement financier d’actifs, le prolongement de la vie d’un actif permet de réduire les émissions de GES associées au remplacement de l’équipement ou de l’infrastructure, en tenant compte de l’impact environnemental de la production d’un actif neuf, son transport au site, son installation, sans compter le démantèlement et l’élimination de l’actif désuet. Grâce à la connaissance d’un expert en durabilité des actifs, il est possible de prolonger la vie d’un actif, tout en réduisant considérablement les risques de défaillances qui entraînent des conséquences sociales ou environnementales, et d’offrir un environnement de travail sécuritaire.

Un cas concret, un gain environnemental mesurable

Voici le cas d’une usine de transformation primaire qui priorise la gestion intelligente de ses actifs depuis plus de 10 ans. Tous les quatre ans, une étude de vieillissement des actifs de l’usine est réalisée. L’exercice permet de réévaluer la durée de vie résiduelle des actifs et de proposer des interventions ciblées et efficaces pour maintenir, améliorer ou encore prolonger la performance des actifs de l’usine.

Cette approche en gestion des actifs prolonge la durée de vie des actifs de 20 % en moyenne (figure 1). Ce gain en longévité permet d’espacer le renouvellement des équipements et ainsi d’éviter l’émission de GES appartenant au « Scope 3 » du GHG Protocol. À long terme, ce seront 37 % des émissions de GES liées aux remplacements des actifs de cette usine qui seront évitées sur 60 ans (figure 2).

Figure 1 : Durées de vie réelles et typiques d’actifs d’une usine de transformation métallurgique

En se référant aux normes connues relativement aux équipements de cette industrie, il est possible de comparer le cycle de vie des équipements existants de l’usine au cycle de vie typique. La figure 1 présente l’écart entre la durée de vie observée et la durée de vie moyenne de ces types d’équipements au sein de l’industrie. En moyenne, la durée de vie réelle des actifs est de 20 % supérieure à la durée typique. Alors que certains actifs ont vu leur vie prolongée de plus de 60 %, d’autres ont dû être remplacés selon leur durée de vie typique, conformément à la stratégie de gestion globale du parc d’actifs. De fait, prolonger la vie d’un actif ne doit jamais se faire au détriment de son intégrité. Par exemple, la stratégie peut dicter le remplacement préventif d’un actif afin d’éviter des fuites aux lourdes conséquences environnementales qui sont dues à une conception ou un choix inadéquat des matériaux lors de sa fabrication.

Selon l’estimation des experts en durabilité des actifs, le remplacement complet d’une vingtaine d’équipements peut émettre plus de 1 100 tonnes de CO2 équivalent. Cette estimation comprend les émissions liées à la production des matières premières, au transport, à la construction, à l’installation des équipements et à l’élimination des équipements périmés.

En projetant dans le temps les cycles de remplacement des actifs de l’usine et en les associant aux émissions d’équivalent CO2 liées aux renouvellements des équipements, on constate que la stratégie visant à prolonger la vie des actifs permettra de réduire ces émissions de 37 % sur 60 ans (figure 2).

Figure 2 : Projection sur 60 ans des émissions de CO2 équivalent liées aux renouvellements des équipements de l’usine de transformation primaire

Vers un avenir durable

Les tendances récentes en ingénierie nous permettent de croire que les méthodes de fabrication, et d’extraction des minéraux aux procédés métallurgiques s’amélioreront sensiblement au cours des prochaines années, visant elles-mêmes la carboneutralité. Ainsi, en prolongeant la vie d’un équipement et en retardant son remplacement par un équipement neuf, une entreprise sera en mesure de diminuer encore davantage son empreinte carbone.